Nécrolgie : L'artiste Seydou Barry est mort !
Seydou Barry n'est plus! Cette nouvelle a stupéfié et attristé tous ceux qui reconnaissaient en lui l'un des plus fervents militants de la culture au Sénégal. Peu de jours avant sa mort, Younousse Seye l'avait rencontré pour Wootico.
Rien ne prédestinait Seydou Barry à l’art. Il est
né en 1943 à Thilogne, département de Matam, dans son Fouta natal,
grandissant dans une famille Al Pular, musulmane éruditique,
fréquentant l’école coranique. Curieusement, Seydou Barry porte le même
nom que Marion Barry, ancien Maire de Washington, Africain Américain,
ce nom qui est identification culturelle de la famille des Peulhs
d’Afrique. Ce n’est pas une similitude, c’est un héritage de la
civilisation orale nègre.
Venu à Dakar, par hasard, sous l’ombre
d’un oncle enseignant le Coran aux tout petits, il a un jour trompé
l’attention de son maître coranique, pour se retrouver, par surprise,
dans un milieu inconnu de dessinateurs par jeu. Ce jeu semble
l’intéresser, et sa curiosité allait s’aiguiser au fur et à mesure
qu’il s’adonnait à la tactilité des formes et des couleurs. À force de
répéter ce jeu de la tactilité, plus l’amour du dessin, de la couleur,
des formes sont nées, sans qu’il ne comprenne rien à cette démarche qui
s’emparait de lui; l’aventure le tenta, il y est resté 30 années durant.
Sous
la houlette du Poète-Président Léopold Sédar Senghor, l’Institut des
Arts de Dakar avait été créé et des Professeurs d’Art comme Iba
N'diaye, Papa Ibra Tall et Pierre Lods, ancien enseignant de Poto-Poto,
y donnaient des cours pratiques. Seydou Barry saisissait l’opportunité
au vol, en s’inscrivant à la section recherche Art Plastique nègre,
sous la direction de Papa Ibra Tall, qui, par la suite, va être affecté
à la Manufacture Nationale de Tapisserie de Thiès. Seydou Barry y sera
embauché comme Peintre-Cartonnier de 1961 à 1965. Ses modèles et ceux
d’autres peintres étaient réalisés en tapisseries et son œuvre
intitulée N’DANAANE était tissée en 1975.
Le Musée dynamique
ouvre ses nouvelles portes à Dakar-Soumbédioune. Le Peintre-Cartonnier
de Thiès revient à Dakar comme assistant, et le voilà, inaugurant une
carrière d’ "Artiste-Fonctionnaire-Décisionnaire"… Ce qui n’était pas
incompatible avec sa stature d’Artiste-Peintre, puisqu’il évoluait
toujours dans tout ce qui était couleur, forme, volume et dessin; mais
cette fois-ci le montage était plus technique: des expositions
d’œuvres, et des chefs d’œuvres de grands peintres, de renom
international, tels Matisse, Chagall, Picasso…
Le salon des
Artistes Sénégalais le présélectionne pour des expositions itinérantes
d’Art Contemporain Sénégalais à l’étranger. Ce qui lui permit de
participer à plusieurs expositions au Sénégal, au Canada, aux
États-Unis, au Mexique, au Brésil, en France; mais aussi avec des
groupes de peintres indépendants au Sénégal et à travers le monde.
Il
se souvient avec plaisir de sa participation en juin 2006, à
l’exposition d’Art Contemporain Sénégalais à Paris, au siège de
l’UNESCO, à l'occasion de la remise du "Prix Houphouët Boigny pour la
Paix" au Président Abdoulaye Wade; ainsi que de la Semaine Culturelle
Sénégalaise au Maroc, en juillet 2007, où il fut très remarqué à cause
de sa facture picturale, avec ses couleurs suaves, d’un vert tantôt
citron, tantôt vert prairie, où les hommes et les femmes sont lianes de
douceur; et la nature de sa flore, des fois luxuriante, attire le
regard des critiques avertis face à un artiste confirmé et
anti-conformiste, qui n’imite aucun autre peintre.
Seydou Barry
est insatiable avec son travail, voire difficile avec lui-même. De
temps en temps, il accorde difficilement la musicalité du rythme, de
l’harmonie de ses couleurs, de ses formes, des lueurs et heurts de sa
composition. La majestuosité de ses personnages en grand boubou
rappelle l’époque de Samba Guilladiéguy, le guerrier téméraire des Al
Pulaarènes, ou toucouleurs habitants de l’ancien TEKROUR. La peinture
est écriture, c’est aussi un langage étrange, qui prend son vol en
larguant toutes ses voiles, voulant enfermer l’infini dans l’orbe
illimité, dans un corps limité par le temps, par l’espace du gestuel.
Sa
femme ne vit pas le divorce arriver, qui lui fut proposé lorsqu’elle
estima que son époux avait suffisamment travaillé et qu’il était temps
d’aller au Fouta, à Thilogne, à la retraite, se reposer. Elle ignorait
qu’elle avait une co-épouse: l’Art, celle qui l’avait tolérée depuis
tant d’années, et qu'avec elle, il n’y a ni repos, ni retraite; tu la
consommes; elle te consume, jusqu’à la dernière goutte de la lie de la
Vie, dont la face ridée, insaisissable, plaignante, témoigne de tous
nos maux. Une très belle fille est née de leur union, comme pour faire
triompher la vie sur la mort, en équilibre collectif, dans une
évolution cosmique assurée, avec des points toujours obscurs, mystères
de la vie non encore décryptés par l’homme.
Younousse SEYE
Source : wootico.com